Don de Moelle Osseuse
Suite à la fermeture de Voldemag.fr, je me permets de republier mon témoignage ici, et ce jour du 3 janvier 2014 où notre mère à ma soeur et moi aurait fêté ses 55 ans si la Leucémie ne l’avait pas emportée.
Le don de moelle osseuse: c’est par là Don de Moelle .
PS: Style volontairement ‘enfantin’
Quand j’étais petit, à 3 ans, après un court passage en Afrique où mon père a construit une brasserie industrielle, j’ai habité longtemps aux Etats-Unis, en Floride. Ma maman et mon papa s’étaient séparés parce que c’était plus “pratique” car elle vivait déjà aux USA avant ça… ma soeur -née à Dunedin- et moi n’en avons pas trop souffert, ils géraient ça avec intelligence.
Quand j’étais petit, mon grand-père était homme d’affaires, et il avait très bien réussi. Il était le chef de la famille, nous avions tous une certaine pression, moi y compris, avec ma demi-douzaine d’années, il me parlait déjà de me préinscrire au MIT… et ses trois (pas si grands) bateaux successifs ont porté mon prénom.
Quand j’étais petit, nous venions environ 1 à 2 fois par an en France, voir les amis et la famille en Lorraine, nous partions de Tampa et arrivions à Franckfort en général, je connaissais l’aéroport comme ma poche, mais quand je voyageais seul, je devais être accompagné, je trouvais ça nul!
Quand j’étais petit, j’étais comme tous les garçons, un peu casse-cou… ma soeur cadette voulait faire les mêmes bêtises que moi, et a fait une chute d’un placard… j’avais posé des coussins sous je ne sais quelle impulsion, elle s’est débrouillée pour se faire une petite coupure au front en tombant, mais j’aime à croire que que je lui ai fait éviter bien pire.
Quand j’étais petit, on a tenté de me mettre dans une école catholique, j’ai applaudi à la fin du discours du prêtre… et plus tard dans l’année j’ai mordu un camarade de classe… je ne m’en rappelle pas.
Dès l’année suivante, j’ai été dans le public, j’ai beaucoup aimé. L’école était excellente, certainement porté par la richesse locale, j’étais dans une classe expérimentale avec différentes classes mélangées et plusieurs profs différents, nous y avions même du jardinage, c’était extrêmement enrichissant. J’avais une année d’avance, certainement aidé par le fait d’être né au printemps. J’avais des “awards” tous les ans, j’étais chouchouté.
Nous chantions l’hymne national, main sur le coeur, tous les matins. Et nous avions droit au bourrage de crâne intensif sur les drogues et la méfiance des inconnus.
Quand j’étais petit, ma maman a eu un amoureux durant longtemps, Kevin, un gars génial (décédé depuis 🙁 )… il m’a donné goût à l’informatique avec son “laptop” à écran plasma rouge, même si j’avais déjà un mythique commodore 64.
Quand j’étais petit, je descendais Countryside boulevard et Curlew road en vélo pour aller à l’école, sur la fin, les surveillants voulaient qu’on marche, je grugeais en m’appuyant sur une pédale.
Quand j’étais petit, mon papa a plus ou moins dû se marier pour rester sur le sol américain, j’avais deux demi-frères qui nous menaient la vie dure, et une belle-mère texane (et donc, j’évite les commentaires). Quand Billy descendait un gallon (3.5l) de coca-cola, pour ne pas se faire gronder, reportait la faute sur nous. Ma maman, elle, avait eu sa naturalisation si je me souviens bien.
Quand j’étais petit, j’étais et le suis encore un peu, fan d’aviation. Mon grand-père me louait (ou achetait mon amour, je ne sais pas) un avion régulièrement et j’avais comme instructeur un ami de la famille, pilote de cargo à la Lufthansa aujourd’hui… j’ai donc volé sur des petits Cessna et une fois un quadri-place où ma soeur, fière de moi, avait pris place. Ce vol là, une “amie” du grand-père nous avait accompagnés avec sa caméra, mais nous n’avons jamais pu sauver les cassettes, en NTSC et mal vieillies… Si cela avait été plus sérieux et avec un peu de temps, j’aurais pu être un des plus jeunes licenciés d’aviation civile, même si l’on usait de tous les stratagèmes pour compenser mes petites jambes. On peut dire que j’ai appris à piloter aux fesses, ne voyant rarement au dessus de la planche de bord.
Quand j’étais petit, ma maman est tombée gravement malade. Une leucémie… si la maladie était connue à la fin des années 80, la chimie, la radiothérapie, et toutes les connaissances sur les greffes de moelle n’étaient pas aussi abouties qu’aujourd’hui… Elle était soignée à Boston. Une fois, nous l’avions accueillies, en grandes pompes, avec limousine à l’aéroport, le grand-père voulait lui faire une surprise, je l’ai aperçue et j’ai voulu bondir de la voiture, mais j’ai été retenu par la soeur du grand-père, de Sarrebrucken. Elle portait un masque et une perruque. J’avais pas 10 ans, et pourtant je comprenais les mécanismes de cette maladie dans les grandes lignes. Le même soir je crois, j’ai insisté pour dormir auprès d’elle, elle a pris une douche et a fait un malaise, tout le monde avait craint la moindre coupure, moi aussi, j’étais confus mais j’ai eu très peur. Elle n’avait rien. Ma grand-mère lui a fait un don de moelle, j’aurais aimé pouvoir en faire autant.
Nous allions à l’église prier… mais…
Quand j’étais petit, j’ai fixé à jamais dans ma mémoire, l’instant où, dans le patio, assis avec ma soeur sur les genoux de mon père, il s’est mis à pleurer.
Quand j’étais petit, j’ai voulu devenir chercheur en cancérologie, quand les autres pensaient au base-ball, ou à devenir pompier ou avocat. Les enseignants de mon école ont été géniaux et très présents.
Quand j’étais petit, sans ma mère, mon grand-père devenait fou, personne ne le maîtrisait, pas même ma grand-mère, ce n’était plus vivable. Mon père nous a demandé si l’on voulait retourner en France avec lui… un pays qui nous était au final complètement étranger…
Quand j’étais petit, et de retour en France, le courroux du grand-père continuait, et il usait de tous ses pouvoirs jusqu’à déclencher des visites de la DDASS à Lirac, dans le Gard. Il est mort un 13 mars, peu avant mon anniversaire, non sans avoir déshérité une partie de sa famille, mais je crois qu’il y a eu comme un soulagement collectif.
Je n’ai donc appris le français qu’à partir de l’âge de 10 ans, dans une mairie-école de village, entouré de garrigue, de vignes, d’animaux, la famille de mon père avec nous…
Aujourd’hui plus grand, j’ai encore de l’émotion quand je regarde en arrière, mais je suis devenu quelqu’un de somme toute ordinaire… avec un passé qui l’est moins. Inscrit et volontaire au don de moelle, O négatif, je vais donner mon sang et de ma personne quand je peux (sinon c’est eux qui me harcèlent au téléphone 🙂 ). Un bête BTS, des amis de lycée, une famille de nouveau dispersée. J’ai le lot de galères sentimentales et financières que tout le monde connaît, je fais encore plein de ‘fôtes’, j’ai fumé des joints, j’ai un tatouage discret. Mais je me sens assez bien avec tout ça, et je pense que ça m’a ouvert l’esprit sur pas mal de choses. Et j’ai maintenant le sourire.
by Julien Banchet, dit JaXX./.
Et surtout, pour ne pas partager que l’émotion brute, on clique là : Don de Moelle
Ajout 2020-2022: J’ai vécu de longues relations, mais récemment, deux plus courtes qui m’ont profondéments marqués, et dont les ruptures m’étaient quasi destructrices. Je découvre doucement le monde bouillant du neuroatypisme, des hypersensibles, de la douance. Je ne sais pas si je compte dans le contingent malgré les échos faits par des personnes qui le sont, je suis effrayé à l’idée de me faire tester, mais je le ferais… Est-ce que mon enfance à façonné ma façon de voir, vivre et ressentir les choses, ou a-t-elle était un catalyseur, je ne sais pas, je sais juste que je m’offre trop, peut-être pour compenser des carences vécues plus jeune. Ca m’a durablement marqué, coup sur coup, les traitements dépannent, mais je rejoins bientôt mes amis de longue date dans le sud, qui, même sans un mot, m’ont épaulés, et qui me sont le meilleur médicament pour traverser la tempête. J’ai la chance incroyable de pouvoir télétravailler, alors je vais la où se concentre la bienveillance innée.